Les marques se doivent de participer au ’solutionnisme’ des français !

Dans le cadre de notre derniĂšre publication intitulĂ©e ‘Toujours Debout‘, Market Research News a interrogĂ© VĂ©ronique Langlois et Xavier Charpentier sur les enseignements majeurs de dix annĂ©es de conversations avec les classes moyennes, menĂ©es dans le cadre de l’Observatoire Quali-collaboratif FreeThinking. Quel bilan faire de cette dĂ©cennie Ă©coulĂ©e ? Quelles aspirations pour celle Ă  venir ?  Quelles opportunitĂ©s et quelles responsabilitĂ©s pour les marques ?

MRNews : Vous prĂ©sentez aujourd’hui les rĂ©sultats d’une nouvelle Ă©tude consacrĂ©e Ă  la classe moyenne française, population que vous suivez depuis maintenant dix ans. Qu’est-ce qui a motivĂ© votre intĂ©rĂȘt pour ces Français que l’on pourrait considĂ©rer comme « moyens », et donc comme pas trĂšs passionnants Ă  observer ?

VĂ©ronique Langlois : Nous avons en rĂ©alitĂ© effectuĂ© un double exercice. D’abord, en effet, mener une nouvelle Ă©tude auprĂšs de ces Français de la classe moyenne — incluant un zoom spĂ©cifique sur les Millennials — pour apprĂ©hender leur vision de ces dix annĂ©es Ă©coulĂ©es depuis 2007 et la façon dont ils se projettent dans la dĂ©cennie Ă  venir. Mais nous avons Ă©galement ressenti le besoin de formaliser une synthĂšse de l’ensemble des Ă©tudes que nous avons rĂ©alisĂ©es depuis le dĂ©marrage de cet observatoire, qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă© dĂšs les premiers mois d’existence de FreeThinking, prĂ©cisĂ©ment en 2007.

Nous avons fait l’hypothĂšse qu’une des meilleures façons de comprendre la sociĂ©tĂ© française — ce qui Ă©tait notre objectif avec le groupe Publicis — Ă©tait de l’observer en son coeur. L’idĂ©e Ă©tait de considĂ©rer cette classe moyenne comme une « cellule tĂ©moin » Ă  la croisĂ©e de tous les principaux enjeux du pays, en tant que consommateurs, salariĂ©s et Ă©lecteurs


C’est une population que l’on peut imaginer comme trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšne
 Est-ce qu’elle n’est pas une sorte d’artefact ? Comment la dĂ©finissez-vous ?

Xavier Charpentier : Notre choix a Ă©tĂ© de nous en tenir Ă  la dĂ©finition de l’Insee ; il s’agit donc des Français dont le revenu net se situe autour du revenu mĂ©dian net. La fourchette que nous avons retenue se situe donc entre 1800 et 2400€ par mois pour une personne seule – et entre 2500 et 4800€ pour un couple avec enfants. Ce critĂšre Ă©conomique servant de filtre, nous avons pu en effet nous rendre compte de l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© de cette population sur des variables communĂ©ment utilisĂ©es comme l’ñge ou le niveau d’études. Mais le second constat est celui d’une rĂ©elle convergence de cette population en termes de valeurs, celle-ci dĂ©passant largement les diffĂ©rences de diplĂŽme, les prĂ©fĂ©rences politiques, et mĂȘme en partie les clivages territoriaux. Les classes moyennes sont diverses, mais elles s’unissent autour de quelques traits qui dessinent les contours de ce qu’on pourrait appeler une « identitĂ© de classe » ou un « éthos de classe ».

La classe moyenne n’est donc pas qu’une vue de l’esprit


XC : Absolument pas ! Elle est une rĂ©alitĂ© sociale, celle de ces personnes qui se dĂ©finissent en se diffĂ©renciant Ă  la fois des CSP+ et des classes plus modestes. Soit dit au passage, cela montre la pertinence d’une lecture « marxiste » ou « marxienne » de la sociĂ©tĂ© : les conditions Ă©conomiques dĂ©terminent fortement certains comportements mais aussi un certain nombre de valeurs.

Le second choix clé de votre observatoire est celui de la méthode. Peut-on la résumer comme étant celle du web collaboratif ?

VL : Oui. Cela correspond Ă  l’un de nos grands partis-pris, l’idĂ©e Ă©tant que lorsque les gens parlent entre eux, ils se disent des choses plus intĂ©ressantes qu’en Ă©tant interrogĂ©s par des institutions. Cela renvoie aussi Ă  la fameuse formule selon laquelle « les marchĂ©s sont des conversations ». Notre conviction Ă©tait – et elle n’a fait que se renforcer – que cette option permet de s’approcher au mieux des rĂ©alitĂ©s de vie et en mĂȘme temps des reprĂ©sentations les plus ancrĂ©es des gens. Il nous paraissait extrĂȘmement pertinent d’essayer d’importer dans l’univers du conseil et des Ă©tudes quelque chose qui se dĂ©veloppait mais Ă©tait Ă  l’époque inopĂ©rant pour les entreprises et les instituts, avec Ă  la clĂ© la possibilitĂ© de dĂ©passer les silos habituels consommateurs / citoyens.

XC : Le principe de nos Ă©tudes fait Ă©cho Ă  ce mot d’ordre emblĂ©matique de 68, selon lequel « mieux vaut ĂȘtre un participant qu’un consommateur ». De facto, on sait qu’il est de plus en plus difficile voire impossible aujourd’hui d’interroger les gens dans la rue par exemple. Ils acceptent de moins en moins d’ĂȘtre auscultĂ©s, alors mĂȘme qu’ils ont un dĂ©sir trĂšs fort de s’exprimer. C’est cette contradiction qui nous intĂ©ressait.

Votre derniĂšre Ă©tude et cette synthĂšse sont extrĂȘmement riches d’informations et d’analyses. Quel constat majeur vous semble devoir ĂȘtre mis en exergue ?

VL : Ces dix ans d’observation sont aussi dix ans de crise
 Ce qui est trĂšs frappant, c’est le tĂ©moignage apportĂ© sur la formidable capacitĂ© d’adaptation de cette classe moyenne et par extension des Français. Le mot clĂ© est sans doute celui de « rĂ©silience » 

Est-ce l’on peut parler d’une forme d’optimisme ?

VL : Ce n’est pas le terme que j’utiliserais
 Les Français de classe moyenne font preuve de beaucoup d’énergie et de vitalitĂ© dans leur façon de penser et d’agir, en particulier dans leur sphĂšre personnelle et familiale. Mais il y aussi chez eux beaucoup de rĂ©alisme et d’inquiĂ©tudes


XC : On pourrait Ă©ventuellement parler d’un « optimisme de volonté », en ce sens qu’ils sont engagĂ©s dans l’effort de s’en sortir le mieux possible. Ils sont de fait bien moins pleurnichards et immobiles qu’on ne le prĂ©tend ! Sans doute sont-ils un peu moins pessimistes qu’il y a deux ans. Mais je suis d’accord : le terme d’optimisme n’est pas le plus adaptĂ©. D’une part parce que les Français questionnent quand mĂȘme beaucoup de choses
 Et par ailleurs ces notions d’optimisme / pessimisme suggĂšrent que l’on a affaire Ă  des « spectateurs » alors qu’au fond ils sont plutĂŽt des « participants », ils sont dans l’action. Un acteur n’est ni pessimiste ni optimiste, il est tendu vers un objectif et calcule ses chances de l’atteindre. C’est l’état d’esprit de ces Français des classes moyennes. La spĂ©culation sur l’avenir n’est pas leur fort. Tenter de gĂ©rer le risque, en revanche ça oui, ils s’y efforcent.

VL : Lorsqu’ils nous dĂ©crivent ces dix ans passĂ©s, des termes reviennent frĂ©quemment : le chĂŽmage, le pouvoir d’achat,
 Mais beaucoup de mots donnent la trace de vies qui se sont construites, avec un bilan qui est vĂ©cu au global comme positif. Bien sĂ»r, certains ont vu leurs trajectoires interrompues, par des Ă©tapes de chĂŽmage de longue durĂ©e ou de maladie. Mais pour le gros des troupes, mĂȘme s’il y a eu des ralentisseurs en chemin, le sentiment dominant est celui d’avoir avancĂ©. Ils ne sont pas passifs, ni amers, mĂȘme s’ils peuvent ĂȘtre critiques. Ils ne veulent pas se positionner en victimes, mĂȘme quand leur trajectoire a Ă©tĂ© ralentie ou reconfigurĂ©e en raison de la Crise.

(…) Retrouvez la suite de notre entretiens sur MRNews.

 

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