Les études socio-culturelles servent-elles encore à quelque chose ?
Avec lâaimable autorisation de MRNews
Et sâil y avait un risque pour les marques Ă sâen remettre uniquement Ă la puissance du digital â qui nous permet de cibler chacun de nous, individuellement, comme on ne lâavait jamais fait â en oubliant que lâhomo economicus est aussi et mĂȘme dâabord un « animal politique », selon la formule dâAristote ? Un individu auquel il convient donc de sâadresser en tant que membre du groupe dont il fait partie, avec toutes les dimensions socioculturelles que cela suppose ? Xavier Charpentier (FreeThinking) Ă©voque lâimpĂ©ratif de toujours cultiver une bonne intelligence de la sociĂ©tĂ© et des groupes qui la composent et la font Ă©voluer, avec lâexemple Ă©difiant des Gilets Jaunes.
MRNews : Comment dĂ©finiriez-vous en quelques mots ce quâest le socioculturel ?
Xavier Charpentier : Je le rĂ©sumerais comme Ă©tant lâarticulation entre des conditions concrĂštes de vie, et dâautre part des valeurs, des principes, un « ethos » qui correspond Ă la dimension plus spĂ©cifiquement culturelle. Dans cette notion de conditions de vie, jâinclus la composante Ă©conomique, le statut professionnel des individus, le revenu dont ils disposent et plus largement les contraintes auxquelles ils sont assujettis. Cette articulation dĂ©termine naturellement des comportements dans toutes les sphĂšres de la vie, la consommation en Ă©tant une parmi dâautres. « Lâethos », câest cet ensemble de principes, de rĂšgles intangibles, de tabous et de croyances qui conduisent Ă agir de telle ou telle façon, Ă juger ceci ou cela acceptable ou non, Ă considĂ©rer que telle idĂ©e ou telle conduite est « bonne », sans mĂȘme avoir Ă rĂ©flĂ©chir, parce que le groupe humain auquel on appartient le juge tel Ă un moment donnĂ©.
Les marketeurs ont eu tendance ces derniĂšres annĂ©es Ă dĂ©prioriser les Ă©clairages socioculturels au profit dâautres grilles de lecture⊠Quel est votre regard sur la valeur ajoutĂ©e de ceux-ci pour les entreprises, et notamment des segmentations quâils proposent ?
Ce prisme et ces segmentations nous semblent plus clĂ©s que jamais. Ils constituent des outils indispensables pour analyser notre sociĂ©tĂ©, la comprendre, et pouvoir sâadresser en bonne intelligence aux individus qui la composent. Le digital a rĂ©volutionnĂ© le marketing, en lui donnant les moyens de cibler individuellement les consommateurs. Ce sont des mĂ©caniques extrĂȘmement puissantes, auxquelles les marques ne peuvent pas renoncer, bien sĂ»r ! GrĂące Ă elles, la relation avec le consommateur, lâindividu, nâa jamais Ă©tĂ© aussi forte, intime, efficace. Mais il y a une limite Ă ne procĂ©der quâainsi, Ă considĂ©rer que les individus pourraient se rĂ©duire Ă des monades⊠« Lâhomme est un animal politique » disait Aristote. Il est donc nĂ©cessaire de sâadresser Ă lui en tant que membre du groupe dont il fait partie. Or, ce qui « fabrique » le groupe, ce qui crĂ©e du lien, ce sont prĂ©cisĂ©ment ces composantes socio-Ă©conomiques â avec le travail, le revenu⊠â mais aussi le culturel, le systĂšme de valeurs des gens, cet ethos que jâĂ©voquais. Parler Ă un individu, câest aussi parler Ă une culture⊠Qui possĂšde souvent le pouvoir de lui autoriser ou de lui interdire une pensĂ©e, un acte, a fortiori un achat. MĂȘme si cela est irrationnel ou invisible Ă lâĆil nu du marketing.
Tout est culturel ?
Notre expĂ©rience nous apprend que le culturel prĂ©cĂšde toujours le comportemental. Le prisme du culturel est nĂ©cessaire parce que (…) retrouvez la suite de lâinterview MRNews en cliquant ici !